Les Accorderies
La Fondation Macif importe le concept des Accorderies du Canada en France
Entretien avec Benoit Mounier, Avise, ancien coordinateur national des Accorderies
Un système d’échange de services
En 2008, Alain Philippe, alors président de la Fondation MACIF, voyage au Canada pour rendre visite aux partenaires de la Fondation. Il y découvre les Accorderies, un système d’échange de services où la seule monnaie est le temps : une heure de service rendu équivaut à une heure de service reçu. Alain Philippe a un coup de cœur et voit tout de suite l’impact qu’un tel système pourrait avoir pour renforcer les solidarités et lutter contre l’exclusion en France.
Une analyse de ce qui existe en France montre la complémentarité de l’approche avec les systèmes d’échange existants, tels que les systèmes d’échanges locaux (SEL). La Fondation MACIF décide de lancer l’expérimentation d’une première Accorderie à Paris en partenariat avec la Régie de quartier du 19ème, qui ouvre fin 2011.
Quel modèle d’essaimage ?
Sur demande du Réseau des Accorderies au Canada, la Fondation MACIF est garante de la marque et du concept des Accorderies en France. Ceci est contractualisé par un accord de franchise sociale, autorisant l’utilisation du nom, la réplication de l’approche ainsi que l’utilisation des outils développés au Canada. Ce modèle était assez naturel pour le réseau canadien qui est lui-même organisé sous forme de franchise sociale. Au-delà de l’accord contractuel, la confiance mutuelle entre les Accorderies au Canada et la Fondation a été déterminante pour la réussite de l’essaimage du modèle.
Des changements du modèle ?
Une des évolutions que la Fondation MACIF a apportée à l’approche canadienne est la mobilisation impérative des collectivités locales pour le lancement d’une Accorderie, en complément de celle des habitants et du tissu associatif. L’implication des autorités locales a en effet été jugé essentielle pour un ancrage territorial pérenne. Par ailleurs pour être en accord avec le droit français, il a été nécessaire d’interdire aux « accordeurs » (les membres d’une Accorderie) exerçant une profession libérale de proposer des missions qu’ils facturent par ailleurs.
La réplication en France ?
Accorderie. Afin de faciliter ce développement, un comité de pilotage est créé, rassemblant la Fondation MACIF, la Caisse des Dépôts et Consignations et le Secours Catholique. L’Avise est par ailleurs missionnée pour :
– accompagner l’émergence de nouvelles Accorderies en France
– appuyer la consolidation des Accorderies existantes
– appuyer le réseau à se doter d’une structure nationale.
En deux ans, 11 Accorderies ont émergé en zone urbaine à Paris, Chambéry, Grenoble, Bordeaux, et en zone rurale à Die et Surgères. Autre indicateur marquant du succès que rencontre le projet : en 2013, plus de 300 personnes de 90 départements ont manifesté leur envie pour monter une Accorderie ! Fin 2013, un réseau national a été créé pour accompagner le développement des Accorderies.
Une franchise sociale entre le Canada et la France, mais également au sein du réseau français ?
Aujourd’hui, l’agrément Accorderie en France cadre les grands principes de fonctionnement mais laisse une marge de manœuvre sur la mise en œuvre afin de laisser la place au développement d’innovations sociales locales. Avec la mise en place du réseau des Accorderies, un conseil d’administration a été constitué : sa particularité et sa force selon Benoit Mounier, ancien coordinateur national, résident dans le fait que le CA a plusieurs collèges avec celui des Accorderies qui sera majoritaire dès que le nombre d’Accorderies aura augmenté. Par ailleurs, un protocole d’accord a été signé pour renforcer les liens entre les Accorderies France et Canada.
Portée par une volonté et une mobilisation forte des acteurs des territoires de lancer leur Accorderie, on peut s’attendre à une forte croissance du réseau dans les prochaines années. Un intérêt et un engouement plus large pour l’approche pourraient même permettre d’envisager un développement en Europe et en Afrique du Nord.
Quelques conseils pour des entrepreneurs qui souhaitent s’inspirer de l’international :
- Développer une relation de qualité avec l’initiateur de l’innovation: notamment pour des projets complexes, il est essentiel que l’initiateur soit dans la boucle.
- Cibler les projets et travailler l’adaptation : ce qui fonctionne quelque part ne répond pas nécessairement à un besoin en France. Les écosystèmes sont différents. Il faut donc réfléchir à l’adaptabilité et aux évolutions à apporter
Réfléchir dès le début à sa stratégie d’essaimage en France : faire une étude d’opportunité, un projet pilote pour adapter les outils, définir une identité claire, modéliser le projet et vérifier le modèle économique. Ensuite répliquer l’approche sur le territoire. - S’interroger sur qui initie la réplication : « si un financeur est mobilisé, ça fait boum ! » ; si c’est une personne seule, ça prend plus de temps.
- Impliquer les franchisés dans le réseau national : ainsi les franchisés sont « franchisés et franchiseurs », ce qui les responsabilise et les rend acteurs.