Disco Soupe
Disco Soupe : le mouvement solidaire allemand qui s’essaime partout en France… et dans le Monde
Interview de Laura Thierry et Caroline Delboy, co-fondatrices de Disco Soupe, par Maÿlis de Laboulaye
La convivialité contre le gâchis, la gratuité du recyclage et le plaisir de la musique », tel est le principe de Disco Soupe. Le concept est à la fois simple et souple : Lors d’événements ouverts à tous, des fruits ou des légumes destinés à être jetés deviennent de bonnes soupes, salades ou compotes. Celles-ci sont préparées par des volontaires sur fond de musique disco et distribuées aux passants.
Quel objectif pour Disco Soupe ?
L’objectif est de sensibiliser le grand public au gaspillage alimentaire, qui aujourd’hui représente 30% des aliments comestibles, soit 1,3 milliards de tonnes de denrées alimentaires par an dans le monde (FAO). En France, le gâchis alimentaire est estimé entre 10 et 15 millions de tonnes par an. Grâce aux Disco Soupes, les participants prennent conscience de la qualité des fruits et légumes invendables et sont informés des moyens d’agir concrètement, tous les jours, contre ce gaspillage. Ainsi, lors de la première Disco Soupe, deux fins de marchés ont permis de récolter 60 kg de légumes qui allaient être jetés. L’événement a rassemblé 80 participants, 2 grosses soupes et 1 compote ont été cuisinées, et 60 bols ont été distribués.
Quelle est l’origine des Disco Soupes ?
Après avoir participé à une Schnippel-Disko à Berlin en janvier 2012, Caroline Delboy a voulu diffuser l’idée en France. C’est en s’associant avec Bastien Beaufort de Slow Food, défenseur du « Bon, propre et juste », et en s’appuyant sur la communauté MakeSense, que la première Disco Soupe a eu lieu le 11 mars 2012… Il a donc fallu trois mois pour répliquer le concept en France : cela montre combien le concept est facilement réplicable et la motivation des deux fondateurs efficace !
Quel mode d’essaimage ?
Disco Soupe a pris de l’ampleur suite à la diffusion du documentaire Global Gâchis. Ce documentaire a retransmis un événement organisé par Tristam Stuart, Le Banquet des 5 000 et
Disco Soupe sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris, le 17 octobre 2012. Un grand repas gratuit y était organisé afin d’alerter le public sur le scandale du gâchis alimentaire. Suite à ce reportage, de nombreuses personnes se sont révélées intéressées par le concept et enthousiastes pour monter à leur tour une Disco Soupe. C’est ainsi que le mouvement Disco Soupe est né, les initiateurs ont été eux-mêmes surpris par l’engouement suscité. Grâce à une campagne de crowfunding sur KissKissbankbank, l’accompagnement et le financement des différentes antennes ont pu être renforcés, permettant au mouvement de s’essaimer dans plus de 13 villes en France. Les relais médiatiques et la communauté MakeSense ont également permis de démultiplier les événements de manière extrêmement rapide, surfant sur le buzz médiatique.
Il s’agit donc d’un essaimage « open source » et essentiellement viral. Il n’y a pas de structure centralisée, mais uniquement une communauté d’acteurs que l’équipe de Paris anime. Ensuite ce sont chacun des 7 référents-ville qui sont chargés d’organiser les Disco Soupes sur leur territoire. Pour faciliter l’essaimage, un « Toolkit » a été créé par l’équipe parisienne : il précise comment organiser l’événement, comment animer une communauté et quels messages faire passer. L’organisation de mini-stages de formation, une FAQ sur un site internet référent et un welcome kit pour les bénévoles sont en cours de développement ; le but est de faciliter et fluidifier l’organisation de Disco Soupe. Car si le format open-source facilite l’essaimage, il a aussi ses écueils : les fondateurs restent très sollicités, et en tant que bénévoles, il devient de plus en plus compliqué de répondre à ces sollicitations, de plus en plus nombreuses. La création et l’instauration de ces outils clef-en-main permettront de mieux diffuser l’information, d’automatiser l’organisation de Disco Soupes…avec l’espoir d’en réaliser toujours plus !
L’enjeu majeur reste de contrôler que les Disco Soupes organisées répondent bien aux valeurs portées par les fondateurs dans le projet initial : sensibilisation au gâchis alimentaire, gratuité et convivialité. Une charte
d’utilisation et un kit de sensibilisation ont été institués de manière à garantir cette unité de vision. La marque « Disco Soupe » n’a pas été déposée de façon à rester un mouvement spontané, indépendant. Disco Soupe a en effet fait le choix de ne pas s’associer à des marques agro-alimentaires ou à des tendances politiques. Le plus difficile est donc de garder cette cohérence et ces principes d’action….mais Disco Soupe dispose d’une arme de poids face aux personnes qui voudraient profiter du nom : sa force de frappe numérique. Un pas de travers sur les réseaux sociaux et une armée de fans de Disco Soupe peut se déverser, transformant un buzz en un véritable « bad buzz ».
Le succès de Disco Soupe tient donc à sa forme-même, mais aussi à la force des valeurs défendues. La Schnippel-Disko avait été un événement ponctuel, il en a résulté un formidable mouvement. L’initiation du mouvement en France ne s’est pas appuyée sur la structure-mère pour prendre forme… et par la suite, elle a dépassé le concept et la portée d’origine. Aujourd’hui, Disco Soupe, Slow Food et la structure-mère n’ont jamais été aussi proches et contribuent à développer le concept au-delà des frontières européennes.
Quelle ampleur pour les Disco Soupes en France…et à l’étranger ?
Depuis la première, plus de 150 Disco Soupe ont eu lieu en France, ce qui représente environ 500 soupes cuisinées, utilisant 50 à 200 kg de légumes qui seraient partis à la poubelle. Dans le monde, le bilan se chiffre à 60 villes mobilisées, 42 000 repas cuisinés collectivement et distribués gratuitement, 20 tonnes de légumes utilisés. L’action a en effet inspiré à l’étranger : les Etats-Unis, la Colombie, l’Irlande, l’Angleterre, la Belgique, la Hollande…et même la Corée s’y sont mis !
De plus, le mouvement est également devenu un incubateur de projets. Ainsi, la « Buena Disco Sociale Soupe » revalorise et transforme des fruits et légumes récupérés pour les distribuer à des personnes en situation de fragilité. Les confitures de qualité « Re-Belles », sont produites et commercialisées à base de fruits récupérés.
Quelques conseils de Caroline Delboy ou Laura Thierry pour des entrepreneurs qui souhaitent s’inspirer de l’international ?
- Assurer une pérennité des actions et de ses acteurs en laissant le format open-source et en animant la communauté des acteurs.
- Etre capable de bien communiquer sur la vision, la mission et les principes d’action du mouvement
- Mettre à disposition des outils relatant précisément les modalités d’une Disco Soupe et fournissant un contenu défendant toujours mieux les valeurs, ingrédients essentiels d’une Disco Soupe.
Plus d’infos sur Facebook et sur le site de Disco Soupe.