Essaimer au sein de son réseau, un moyen d’innover et de mettre l’intelligence collective au service de l’impact
Lorsqu’une organisation entreprend d’essaimer son modèle, il revient généralement à la tête de réseau de piloter cette démarche de transmission et de réplication du modèle initial vers d’autres territoires.
Dans certains réseaux, mouvements ou encore fédérations, notamment avec un nombre important de membres et/ou antennes, il n’est pas rare de voir une dynamique d’essaimage s’enclencher entre les structures existantes de ces réseaux.
Pourquoi lancer ce type de démarche, comment la mettre en place, quelles sont les conditions de réussite ? Sont tant de questions qui se posent lorsque l’on essaime “de l’intérieur”
Plusieurs raisons sont à l’origine d’un essaimage interne. L’une d’entre elles est que de plus en plus de réseaux cherchent à promouvoir l’essaimage auprès de leurs membres afin que ces derniers portent la démarche plutôt que de voir celle-ci pilotée de façon centralisée par la tête de réseau. Grâce à un appui méthodologique, humain et parfois même financier, les membres du réseau peuvent s’approprier la démarche d’essaimage et la mener. Dans ce cas de figure, il s’agit de faciliter la réplication et l’appropriation de certains projets ou dispositifs par les structures membres du réseau : cela s’apparente ainsi à une sorte d’essaimage par “capillarité”, ou alors, à un appui des membres pour qu’ils contribuent directement à l’élargissement du réseau et créent ainsi de nouvelles entités.
Pour connaître les motivations derrière l’essaimage interne au réseau et comprendre concrètement sa mise en place et son fonctionnement, voici le retour d’expérience de structures qui l’ont fait : l’Unapei, le Mouvement Emmaüs et le Réseau HAPA, que nous avons accompagnés cette année !
Pourquoi lancer ce type de démarche ?
L’objectif derrière un essaimage au sein de son réseau est avant tout de maximiser l’impact social de l’organisation de manière accélérée et efficiente. En effet, après avoir fait la preuve du concept sur un premier territoire, l’organisation reproduit sa recette gagnante sur d’autres, par le biais de ses membres, et touche ainsi de nouveaux bénéficiaires sur de nouvelles géographies, et grandit ainsi son impact.
Cela étant, cette démarche répond également à d’autres enjeux pour les organisations qui décident de la mettre en place.
“Faire réseau”
Ces démarches sont une manière concrète d’exploiter la richesse du réseau, d’inspirer ses membres et de faire vivre l’intelligence collective à grande échelle pour certains mouvements et fédérations comptant des centaines de structures locales sur le territoire. A travers son Générateur de Solidarité, l’Unapei valorise les dispositifs remarquables mis en œuvre par les associations locales sur le terrain et permet de les transmettre aux autres associations du réseau volontaires, en facilitant la modélisation et la transmission de ces dispositifs.
Présentation du Générateur de Solidarité aux Universités d’été de l’UNAPEI (Sept 2022)
“10 représentants professionnels et bénévoles de nos différentes instances (locales, régionales et nationales) sont activement mobilisés au sein d’un comité de pilotage pour mettre en place le Générateur de solidarité. C’est une occasion pour nous de mettre en lumière les actions de terrain à l’échelle nationale et de faire boule de neige. C’est également l’occasion d’insuffler une dynamique de coopération, de susciter des liens de partage et de développer les réflexes d’échange entre les associations adhérentes au réseau.” Johanna Courtoy, Unapei
“Favoriser l’innovation”
C’est aussi une manière d’inciter les structures sur le terrain à évoluer et renouveler leurs pratiques sans réinventer la roue, notamment pour celles qui disposent de peu de moyens pour développer de nouveaux projets. Ainsi, à travers le dispositif “clé en main” proposé par le service innovation du Mouvement Emmaüs, les groupes locaux peuvent bénéficier d’un mode d’emploi, d’un appui méthodologique humain et d’une bourse pour répliquer un projet sous l’égide d’un autre groupe parrain (ex : mise en place d’une cabine d’aérogommage, passage à la vente en ligne, mise en place d’un marché de producteurs locaux, etc.).
“Ce dispositif est destiné à des structures qui souhaitent s’inspirer des innovations qui fonctionnent chez leurs pairs. Il permet de partager une culture commune de l’innovation et de consolider l’impact social des structures. Il s’inscrit parfaitement dans l’ADN d’Emmaüs, en valorisant l’innovation qui part de “la base”, du terrain. Il donne la possibilité de dupliquer une innovation, tout en laissant une place à l’adaptation au contexte local : selon les équipes, les partenariats existants, les besoins du territoire, les innovations vont trouver à chaque fois une couleur particulière. Cela permet également la mutualisation de moyens et l’entraide au sein du réseau.” Laure Vicard, Emmaüs Innove.
“Soutenir les membres de son réseau dans leur développement”
Il peut s’agir d’aider les membres de son réseau à se développer plus rapidement et ainsi augmenter leur impact. Issu de la réunion de porteurs de projets souhaitant favoriser l’entraide entre pairs pour le déploiement national d’habitats partagés et accompagnés, le réseau HAPA a mis en place 3 parcours d’accompagnement pour ses membres dont l’un alliant accompagnement méthodologique, retours d’expérience et soutien financier spécifiquement dédié à ceux qui sont dans une logique d’essaimage territorial.
“Le secteur est en plein développement, les besoins d’accompagnement ont explosé; la complexité du montage de ces projets (d’Habitat Partagé et Accompagné) reste forte et implique un effort massif de transfert d’expérience permettant aux porteurs de projets de surmonter les écueils et de rassembler les facteurs clés de succès. (…). La pédagogie fait la part belle aux partages d’expériences entre pairs et aux méthodes d’empowerment qui développent l’autonomie des porteurs de projets après le programme. Les sollicitations croissantes auxquelles fait face le réseau ont également mis en lumière la nécessité de proposer un appui aux différents stades de développement” Chrystel Mouysset, Chargée d’animation réseau.
“Faire évoluer les pratiques”
En mettant en avant des pratiques en lien avec les enjeux stratégiques pour l’avenir de l’organisation, ces démarches peuvent aussi permettre d’accompagner le changement en interne. Ainsi, l’équipe d’Emmaüs Innove adosse cette démarche à ses activités de prospective pour faire évoluer l’ensemble du mouvement afin d’être au plus près des besoins sociaux de demain et ce, en mettant en lumière les nouvelles pratiques d’accueil à titre d’exemple. C’est également dans le but de s’aligner aux orientations stratégiques de l’Unapei que le Générateur de solidarité a choisi de cibler sa démarche vers le soutien aux aidants familiaux.
Quelles caractéristiques de ces démarches et quels conseils pour leur mise en place ?
La répartition des rôles et le soutien apporté peuvent varier, mais ces démarches ont en commun de mettre au premier plan et de mobiliser fortement les membres du réseau. Il est donc nécessaire de bien anticiper le temps que devront y consacrer les structures de terrain et de s’assurer de leur capacité à absorber la démarche dans un calendrier adapté, la démarche étant souvent facilitée par un soutien financier qui oscille entre 3 et 10 000 euros.
Ces démarches fonctionnent souvent dans une logique collective avec des promotions de structures accompagnées pour répliquer. Cela permet d’avoir une démarche efficiente en diffusant le savoir-faire à plusieurs structures d’un même coup tout en mettant à contribution l’intelligence collective pour résoudre les problèmes des uns ou des autres grâce à l’expérience du groupe. Un système de co-développement peut ainsi permettre de débloquer des problématiques rencontrées en cours d’essaimage.
Quant à l’essaimage de projets au sein d’un réseau existant, il est préférable de démarrer avec des projets relativement simples et peu coûteux à mettre en place. Cela permettra de susciter plus d’engouement au sein du réseau et de s’assurer de son engagement à aller jusqu’au bout de la démarche de transmission et de réplication.
Mettre en place ces démarches revient à adjoindre un métier de type “conseil” et “appui à l’innovation” à la Tête de Réseau, lorsque ce n’est pas déjà le cas. Ce métier nécessite d’adopter une posture spécifique, mais également de bien penser les formats d’accompagnement, les circuits d’informations et les moyens nécessaires. Selon la culture et les spécificités de l’organisation, il faudra privilégier des formats écrits et/ou une transmission orale. Il est également important de s’assurer que l’information circulera à la fois au niveau des directions/gouvernances locales et au niveau des opérationnels susceptibles de répliquer les démarches. Enfin, la question des moyens est essentielle pour s’assurer que les structures auront le temps et les financements nécessaires pour mettre en œuvre la démarche.
En somme, ces démarches d’essaimage par capillarité au sein de réseaux existants permettent ainsi de booster des dispositifs qui fonctionnent, d’en faire profiter d’autres et d’encourager le partage : un bel exemple à suivre !
Pour en savoir plus sur ces dispositifs :
- Pour en savoir plus sur le Générateur de solidarité d’Unapei, cliquez ici
- Découvrez Emmaüs Innove au travers de leur dossier de presse ici
- Découvrez le réseau HAPA : https://www.reseau-hapa.eu/du-nouveau-dans-nos-parcours-daccompagnement/