INTERVIEW de Céline André, Déléguée générale de Femmes des Territoires
Entretien avec Céline André, Déléguée générale de Femmes des Territoires qui nous parle de l’association et du développement à l’échelle nationale de l’association.
Question : Quel est le concept de Femmes des Territoires ?
Céline André : Femmes des Territoires est une association ouverte à toutes les femmes qui souhaitent entreprendre et à celles qui veulent les aider. L’association offre ainsi un réseau digital et physique. Le seul critère pour rejoindre le réseau : être une femme
Genèse du concept : Femmes des Territoires est la suite de l’aventure Femmes de Bretagne, fondée par Marie Eloy en 2014, un réseau déjà présent dans 40 villes organisant des centaines de rencontres chaque année. Fin 2019, Femmes de Bretagne et la Fondation Entreprendre, avec le soutien d’AXA France, créent Femmes des Territoires, pour déployer le réseau dans toutes les régions.
L’association est née d’un constat : 90% des femmes qui entreprennent le font généralement seule. Femmes des Territoires s’est donnée pour missions de :
- Créer un réseau pour sortir ces femmes de l’isolement et les connecter à l’écosystème entrepreneurial (financement, entraide, aide de l’État, accompagnement) et à d’autres femmes pour partager des outils et opportunités.
- Partager des compétences (marketing, réseauter, communiquer, …) pour permettre à ces femmes de gagner en expertise et développer sereinement leur entreprise.
Ces deux missions se matérialisent au moyen d’une plateforme digitale qui permet d’accéder au réseau qui s’étend sur la France entière, et qui propose des ateliers en ligne pour développer ses compétences (telles que le développement personnel, la prise de la parole, la légitimité de soi, etc.) et via un réseau physique de proximité, pour favoriser les rencontres et échanges, s’élever mutuellement et animer ou participer à des ateliers sur mesure (en fonction des enjeux locaux et des participantes).
Q : Pouvez-vous décrire les étapes-clés du parcours de changement d’échelle de Femmes de Territoires ?
CA :
2014 : Femmes de Bretagne est créée en 2014 par Marie Eloy. Développement rapide de l’association grâce à un modèle simple de réplication porté par le digital.
2019 : une quinzaine d’antennes sont ouvertes dans des régions de France.
2020 : la pandémie a entraîné l’accélération du déploiement territorial et particulièrement le digital (80 ateliers organisés à distance pendant le confinement).
2021 : diagnostic stratégique réalisé par ScaleChanger via la Fondation Entreprendre complété par un audit et accompagnement de Share it sur l’usage de la plateforme.
2022 : travail sur le choix et la structuration du modèle de changement d’échelle.
2023 : évolution de la plateforme Femmes des Territoires et développement de l’association sous forme de modèle fédératif.
Q : Pourquoi le choix de la fédération comme modèle d’essaimage ?
CA : Dès sa genèse, l’association Femmes des Territoires avait pour vocation de croître. Cependant, lorsqu’une structure grossit, cela s’accompagne de risques, notamment celui de devenir une association hors-sol, trop éloignée du terrain. Le réseau Femmes des Territoires étant un réseau de proximité porté par des coordinatrices bénévoles sur le terrain, un pilotage de l’organisation via le siège à Paris aurait été un frein, notamment dans la recherche de financement ou de partenaires.
Q : Comment fonctionnent ce modèle fédératif et les flux financiers associés ?
CA :
Tout commence par l’identification d’une région avec un nombre d’antennes et de bénévoles suffisamment important pour justifier l’ouverture d’une association locale et un poste dédié. Une fois la région identifiée, s’ensuit une première phase dite d’émergence qui dure 12 à 18 mois et qui s’accompagne d’un objectif de croissance : passer, par exemple, de 10 antennes existantes à 15 ou 20 antennes. Ce temps permet de se rapprocher de l’écosystème entrepreneurial de la région, de mieux faire connaître Femmes des Territoires sur le terrain et d’avoir une communauté plus active. Pendant cette phase d’émergence, la tête de réseau recrute une personne qui sera dédiée, en majeure partie, à ce déploiement et qui, à terme, partira dans l’association régionale créée.
Après cette phase d’émergence, une phase incubation de 2-3 ans est prévue pour former la future gouvernance de l’association régionale et pour l’accompagner dans son développement. L’organisation nationale financera l’association régionale à hauteur de la moitié de son budget la 1e année, puis un tiers la 2e année et enfin, un quart la 3e année. La 4e année, l’association régionale devient autonome et reverse une partie de son budget à la tête de réseau nationale pour assumer les coûts de structure et le montant du digital
Q : Quels ont été vos principaux enjeux lors de votre parcours de changement d’échelle ?
CA :
Le choix du modèle d’essaimage est un chantier qui a pris du temps et qui a énormément mobilisé notre organe de gouvernance. Nous avons une gouvernance engagée avec un modèle d’association à direction collégiale. C’est un modèle particulier sans Conseil d’Administration, sans bureau, mais avec une direction collective très resserrée composée de personnes très engagées. Nous avons organisé de nombreux groupes de travail pour atterrir sur un premier modèle qui a été grandement challengé, notamment par notre comité de donneurs constitué de personnalités avec de nombreuses compétences. Nous avons dû tout repenser et y consacrer beaucoup de temps, mais cela était nécessaire. Nous n’avions pas de modèle d’essaimage prédéfini en tête, le modèle fédératif n’était pas celui de prédilection et nous avons même parfois dû rétropédaler. Nous avons également consulté d’autres associations sur leur modèle. Chaque modèle présente des avantages et des inconvénients mais c’est la proximité avec le territoire qui nous a poussé vers le modèle fédératif. Ce choix de stratégie de changement d’échelle a ainsi nécessité beaucoup de travail en interne. Puis nous avons bénéficié de l’accompagnement de ScaleChanger qui est arrivé à point nommé puisqu’il nous a permis d’avoir un diagnostic 360 pour tout mettre à plat et travailler les points de douleurs identifiés.
Parmi les enjeux identifiés figurait la plateforme digitale qui était complexe et peu intuitive, et a dû être abandonnée pour être développée à nouveau. Cela a nécessité 18 mois de travail.
Enfin, le fait que le réseau soit porté, sur le terrain, par des bénévoles, nous a obligées à repenser nos outils et process pour qu’ils soient rapidement et facilement assimilables par les coordinatrices. C’est essentiel pour ne pas décourager les bénévoles. Depuis, nous avons créé un espace intranet dédié aux bénévoles sur la plateforme.
Q : Et quelles ont été les principales opportunités rencontrées ?
CA : Des opportunités, il y en a tout le temps. Il suffit de les trouver ou de les provoquer. Les accompagnements dont nous avons bénéficié au travers de la Fondation Entreprendre, Share it et ScaleChanger sont arrivés au bon moment et nous ont donné de la légitimité. Nous avons la chance d’avoir des partenaires fidèles, qui croient en nous et qui sont bien plus que des financeurs à nos yeux.
Q : Pour conclure, un conseil pour les entrepreneur·es en changement d’échelle ?
CA : Il faut s’entourer (d’acteurs, d’experts, …) et ne pas hésiter à frapper à de nombreuses portes !
Merci Céline Andrée.
👉 Découvrir Femmes des Territoires : https://femmesdesterritoires.fr/