ScaleChanger à l’EMERGING VALLEY 2022 !
De nombreuses problématiques se posent aux entrepreneurs et à leurs organisations : comment industrialiser sa production ? Comment attirer et fidéliser les bons profils pour avoir une équipe engagée ? Comment mobiliser des fonds pour financer ce changement d’échelle ? Comment se positionner en tant qu’entrepreneur dans une organisation qui change vite ?
Plongez dans l’expérience d’entrepreneur·es qui vivent ces questions au quotidien avec une mise en perspective par un acteur de l’écosystème et ScaleChanger qui accompagne les entrepreneur·es à impact pour répondre à ces enjeux !
Présentation des intervenants
Isabelle Hoyaux, fondatrice de ScaleChanger qui accompagne depuis 2014, en France et à l’international, les entrepreneur·es à impact sur leurs enjeux de changement d’échelle.
Elie Bitar de Smarterise, qui propose, via l’utilisation de la donnée, des solutions d’énergie fiables et accessibles aux entreprises nigérianes pour éviter les sources d’énergie diverses, coûteuses et peu fiables.
Palobdé Emilie Kyedrebeogo, fondatrice de Palobdé Afrique qui produit des protections hygiéniques lavables avec du coton bio burkinabé tout en menant des campagnes de sensibilisation sur les menstrues.
Birame Sock, CEO de la startup Kwely, une plateforme de commerce électronique business to business (B2B) qui permet aux acheteurs du monde d’avoir accès à des produits de qualité fabriqués en Afrique, qui respectent les normes internationales et offrent des solutions personnalisées et en marque blanche en fonction de leurs besoins.
Omar Abdillah, à la tête de Tech Star, un réseau d’entrepreneurs dans tous les pays qui développe des programmes de communautés d’entrepreneurs et 48 accélérateurs donc 2 en Afrique anglophone.
Avant-propos par Isabelle Hoyaux :
Réussir son scale up ! Qu’entendons-nous par ce terme ? Le scale up correspond à un moment où l’entreprise va croître de manière substantielle, où elle aura un modèle qui fonctionne et qu’elle aura fait la preuve du concept. C’est une phase durant laquelle l’entreprise va se développer et accélérer sa croissance.
Cette accélération va occasionner de nombreuses questions :
- quelle stratégie adopter ?
- dans quel territoire ou pays m’implanter ?
- quelle équipe mettre en place pour porter cette croissance ?
- comment industrialiser mes process ?
- comment me positionner en tant que dirigeant·e ?
ScaleChanger accompagne au quotidien les entrepreneurs à impact sur ces sujets. Les panélistes rassemblés autour de cette table ronde partagent, quant à eux, leur vécu du scale up au sein de leurs organisations respectives.
Q. Quels sont les enjeux externes pour les entreprises à impact évoluant dans l’écosystème africain dans leur rapport aux investisseurs ?
Pour Omar Ibn Abdillah, il faut avant tout être crédible aux yeux des investisseurs pour susciter leur intérêt dans l’entreprise et leur donner envie d’y investir. Omar partage son analyse des différents modèles d’écosystèmes entrepreneuriaux qu’il a identifiés :
- Au Nigéria, les startups sont généralement créées aux Etats-Unis. Elles lèvent des fonds là-bas avant de se développer sur le marché nigérian comptant 200 millions d’habitants au Nigéria. Conquérir un nouveau marché de la sorte est plus facile et rapide, et limite les contraintes administratives.
- Au Kenya, M-Pesa, le système de paiement communautaire où tout le monde peut investir, permet à des personnes qui ont confiance dans des idées d’entreprises d’investir en elles. Dans ce cas de figure, les startups sont créées localement.
- Dans d’autres géographies, le manque de financement et l’absence d’aide du gouvernement rendent difficile la capacité à se développer, accélérer ou lever des fonds.
Selon Omar, il est essentiel de se concentrer sur les modèles économiques des startups avant d’envisager le passage à l’échelle. Les exemples de Paypal, Alibaba ou Airbnb sont intéressants car ces entreprises se sont développées sous un modèle de croissance unifiée, c’est-à-dire que les gens d’abord ont consommé / utilisé la solution massivement puis des personnes sont venues investir.
Au niveau de l’organisation interne, de nombreux défis accompagnent l’accélération d’une entreprise à impact. Parmi eux, la gouvernance, les ressources humaines, la consolidation du savoir, les outils et process mais aussi la posture du dirigeant qui évolue à chaque étape de l’entreprise.
Q. Du point de vue des ressources humaines, comment avez-vous procéder pour faire face à la croissance de l’activité ?
Pour Emilie Palobdé, il est essentiel de recruter de la main d’œuvre dès que le surcroît d’activité se présente. Pour le cas de Palobdé Afrique spécifiquement, c’est le recours à des stagiaires, avant l’embauche à des postes de middle management, qui a permis d’absorber le développement rapide de la structure lorsque l’activité s’est accélérée.
Trouver la bonne équipe, embarquer des personnes pour participer à la croissance de l’entreprise une fois que les fonds ont été levés, anticiper les erreurs à ne pas commettre dans la manière d’utiliser cet argent, sont tant de questions que Birame s’est posée lorsqu’elle a reçu ses fonds et a dû mettre en place une équipe. Selon elle, le premier challenge rencontré au niveau RH est la main-d’œuvre africaine qui est majoritairement jeune, donc très enthousiaste et prête à apprendre, mais qui implique du temps de supervision et de montée en compétences que l’entreprise n’a pas lorsqu’elle avance très vite.
L’autre défi est de parvenir à attirer des profils (Africains situés hors d’Afrique ou non Africains) pour les postes très techniques. Ces personnes peuvent ainsi avoir des compétences, visions et expériences différentes et spécifiques nécessaires à l’entreprise mais que celle-ci peine à trouver localement. Cela est particulièrement le cas lorsque que l’on opère dans le domaine technologique de l’intelligence artificielle. Lorsque l’entreprise a besoin de ce type de ressources humaines très spécifique, il est important de savoir où aller les chercher et pouvoir les convaincre.
Enfin, la culture de la startup est particulière et se heurte parfois aux standards des entreprises classiques en termes de rythme, d’horaires et d’engagement. Il y a souvent un clash entre la culture de la startup, souple et entrepreneuriale, et la réalité sur le terrain, plus formatée et cadrée.
Pour Elie, le Covid-19 a considérablement ralenti les activités de Smarterise et de leurs clients, puis la demande est repartie et a nécessité le recrutement de plusieurs personnes. Dans la mesure où Smarterise ne cesse de recruter depuis, l’entreprise a mis en place un système au sein duquel les collaborateurs sont positionnés sur des projets donnés plutôt qu’attitrés à des postes fixes. Cela permet d’avoir une flexibilité dans l’usage des ressources humaines une fois les fonds levés. Une des clés en matière de recrutement est, selon Elie, de recruter des personnes passionnées, sur lesquelles on peut compter même lorsqu’une crise émerge. Enfin, un des conseils que nous partage Elie est de standardiser les pratiques RH et de donner accès à l’actionnariat à certains employés, et notamment les plus motivés et engagés.
Q. En termes d’organisation, entrer en phase de changement d’échelle implique des transformations importantes pour l’entreprise, notamment en matière d’outillage, d’industrialisation. Qu’en est-il pour vous ?
Le modèle de Smarterise s’appuie sur des coûts par client (unit economies) : l’entreprise cherche à réduire le coût par client. En automatisant la collecte de données via un logiciel plutôt qu’en envoyant des employés recueillir la donnée directement et manuellement chez le client, Smarterise a réussi à faire des économies d’échelle et à diminuer son coût par client. Le conseil d’Elie est ainsi de ne pas craindre de se fixer des objectifs élevés dès le début car viendra un moment où une grande partie de l’activité pourra être industrialisée.
Pour Birame, il est essentiel de définir des ambitions et d’avoir une vision claire de là où on veut aller. Il arrive que des entrepreneurs brûlent des étapes en voulant concrétiser très vite ce qu’ils projettent car ces derniers réfléchissent de façon purement opérationnelle (ex : vouloir des bureaux de suite, des salariés à manager, etc.). Il est donc important de prendre le temps de savoir où se situe l’entreprise, quels objectifs elle s’est fixée, les moyens dont elle dispose, les opérations à mettre en place, etc. pour être mieux préparé lors du passage à l’échelle. Mettre des outils en place au plus tôt dans le stade de développement de l’entreprise (pour gérer les process, les ressources humaines, les opérations, etc.) facilite ainsi le passage à l’échelle car les outils auront déjà été assimilés et les équipes formées à leur utilisation. En effet, la technologie permet aujourd’hui de faciliter les opérations des entreprises via des licences mensuelles peu onéreuses.
Q. Quels sont les principaux enjeux rencontrés lors de la levée de fonds ?
Omar et Birame nous partagent leur point de vue.
Pour Omar, lorsque les entrepreneurs sont en phase de levée de fonds, ces derniers se concentrent généralement à 100% sur cette activité en mettant toute leur énergie sur la préparation du pitch deck, la participation à des événements réunissant des investisseurs, etc. Il est important de déterminer assez tôt qui se chargera de la levée de fonds : le fondateur ou une personne recrutée à cette fin, de mettre en place un délégation des responsabilités dans le cas où il s’agirait du fondateur et de préparer l’organisation interne de l’entreprise pour que l’entreprise puisse continuer à avancer pendant ce moment critique.
Le principal challenge de la levée de fonds en Afrique qu’entrevoit Birame est qu’il existe plusieurs typologies d’investisseurs selon ce que l’entreprise souhaite faire financer. A titre d’exemple, lorsqu’on leur expose une idée en lien avec une plateforme digitale, il est facile de l’expliquer à différents investisseurs et de montrer les revenus qui seront générés. Or, dès qu’on introduit l’idée d’un programme d’accompagnement ou de formation pour créer de l’impact au niveau de l’écosystème, l’absence de revenu de ce type d’activité les freine. C’est pourquoi il est plus pertinent de lever de la subvention ou des prêts pour financer ce type d’initiatives.
Aussi, pour tout ce qui concerne les CAPEX, ou dépenses d’investissement, il est préférable de solliciter les banques car les investisseurs ne sont pas intéressés par ce type de financement lourd.
Enfin, une piste à explorer lorsque l’on veut lever des fonds, explique Birame, est l’enregistrement, lorsque possible, de son entreprise dans son pays et en dehors de son pays pour attirer des investisseurs externes. En enregistrant son entreprise au Sénégal et aux Etats-Unis par exemple, une entreprise intéressera plus facilement un investisseur français ou américain et il sera plus aisé pour lui, de récupérer ses fonds dans la devise qu’il préfère. Cela étant, il est très difficile de mettre cette recommandation en application car il est nécessaire de connaître les lois dans les pays et peu de solutions existent actuellement pour aider les entrepreneurs sur ce sujet.
Q. Et en termes de posture de dirigeant·e et personnellement, qu’est-ce que le changement d’échelle a entraîné pour vous ?
Pour Elie, le plus gros défi a été de passer d’un rôle très opérationnel voire de terrain à un rôle plus stratégique lié à la levée de fonds et au recrutement de l’équipe. C’est un nouveau métier et une nouvelle posture à adopter.
Pour Birame, lorsqu’on est entrepreneur, on devient un caméléon. On change à mesure que l’entreprise évolue. Le discours et la posture diffèrent selon l’interlocuteur : un partenaire, un collaborateur, un investisseur. Et quand on est en phase de changement d’échelle, c’est encore plus criant car on se donne à 500%, quitte à prioriser sa vie professionnelle à la personnelle. Mais cela est temporaire et en vaut la peine !
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